24 juin 2022
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08:48 AM
Pakistan : Les réformes en matière de gestion des finances publiques sont à la base du succès du programme national d'appui à la vaccination
Quratulain Hadi est une spécialiste de la gestion financière en SAR. Elle a une grande expérience des réformes de la gestion des finances publiques dans le secteur de la santé, avec un intérêt particulier pour la décentralisation fiscale et le financement de la santé. Son travail dans le domaine de la vaccination pour un financement durable de la vaccination dans les pays en transition de GAVI est reconnu par les partenaires de développement tels que GAVI et la Fondation Bill et Melinda Gates. Elle est comptable agréée (Pakistan) et expert-comptable (États-Unis) de profession.
Angel Bombarda est consultante en gestion des finances publique (GFP) au sein du service Santé, Nutrition et Population (Afrique orientale et australe). Elle travaille principalement sur l’alignement du financement basé sur la performance (FBP) avec les systèmes de GFP, avec l’objectif global d’améliorer la performance dans le secteur de la santé, particulièrement au Zimbabwe, au Mali, au Lesotho et au Tadjikistan. Elle fournit également du soutien à la gestion de projet et à la sensibilisation pour l’initiative Gouvernance pour le GFF. Avant de rejoindre la Banque mondiale, elle a travaillé au Ministère du budget et de la gestion du gouvernement des Philippines.
Les auteurs tiennent à remercier les chefs du projet, Aliya Kashif et Iffat Mahmood.
Le projet a été généreusement soutenu par GAVI et l’initiative Gouvernance pour le GFF (G4GFF).
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Pakistan : Les réformes en matière de gestion des finances publiques sont à la base du succès du programme national d’appui à la vaccination
Défi – Prestation de services de santé dans un contexte de décentralisation fiscale
Le Pakistan a connu deux périodes de dévolution : la première en 2000 et la seconde en 2010. Depuis 2010, les provinces ont apporté de nombreux amendements à leurs lois respectives relatives aux administrations locales, modifiant à chaque fois la structure et le mandat de ces dernières. Ces changements ont davantage exacerbé les problèmes d’administration et d’élaboration de rapports pour différents aspects du système de santé.
C’est dans ce contexte que le gouvernement pakistanais a lancé son Programme national d’appui à la vaccination (National Immunization Support Program, NISP), avec le soutien de la Banque mondiale. Le projet, qui s’est déroulé entre 2015 et 2021, visait à renforcer la gestion du Programme élargi de vaccination (PEV) au niveau provincial, en renforçant les capacités des personnes impliquées à tous les niveaux du programme – de la planification à la gestion, les achats, le contrôle, le suivi et l’élaboration des rapports.
Approche – Faire des liens et améliorer les systèmes
En général, l’objectif du NISP était d’améliorer la coordination entre le gouvernement et les partenaires de développement dans le cadre d’une structure axée sur les résultats pour la vaccination de routine. L’une des façons d’atteindre cet objectif était de canaliser tous les financements des bailleurs de fonds grâce à une plateforme unique et simplifiée.
Le plan d’action pour le renforcement de la gestion des finances publiques (GFP) était un autre élément essentiel de l’accord de financement du NISP entre le gouvernement pakistanais et la Banque mondiale. Au moment de la préparation du NISP, une série d’études analytiques a été commanditée par la Banque mondiale et le gouvernement pakistanais entre 2012 et 2014, afin de fournir des données permettant de soutenir la décentralisation fiscale de la fonction du PEV vers les provinces. Le cadre politique élaboré à partir de l’étude a résolu la confusion en ce qui concerne les personnes responsables des achats et du financement des vaccins.
L’évaluation a également relevé deux principaux problèmes liés à la GFP – des incohérences dans les comptes financiers des provinces et un manque de transparence au niveau des dépenses des établissements de soins de santé primaires – entraînant une mauvaise utilisation du budget de la santé. Par conséquent, l’étude a recommandé que des systèmes de GFP transparents et efficaces et le transfert de connaissances techniques en matière de GFP aux provinces soient essentiels au succès du NISP.
L’une des principales réformes de la GFP mise en œuvre dans le cadre du NISP était un mécanisme d’achats mis en communs. Un comité d’achat centralisé a été mis en place, composé d’un nombre égal de représentants provenant de toutes les provinces et du gouvernement fédéral. Grâce à la mise en commun des achats, chaque province a pu déterminer sa propre demande de vaccins, ce qui a permis une meilleure prévisibilité de financement.
Le transfert du budget de la vaccination vers le volet récurrent du budget a considérablement amélioré la durabilité du financement. L’introduction d’un poste budgétaire distinct pour les dépenses du PEV a également permis de suivre et de renforcer la redevabilité du budget et des dépenses liées à la vaccination.
Ces réformes de la GFP ont été soutenues par l’initiative Gouvernance pour le GFF[1] (Gouvernance for GFF initiative, G4GFF) et GAVI, qui a été mise en place pour mettre à disposition l’expertise en matière de gouvernance et de GFP, pour permettre aux pays du GFF, dont le Pakistan, d’affronter les problèmes liés à la GFP et au financement national global, afin d’obtenir des résultats de santé plus durables et de meilleure qualité.
Résultats et enseignements tirés : Une appropriation et une durabilité accrues
L’impact des interventions de la GFP a entraîné une plus grande appropriation du PEV au niveau provincial. La part provinciale des dépenses totales du PEV a presque doublé, passant de 49,7% en 2011-12 à 89,2% en 2018-19.
De plus, les résultats de l’enquête sur la couverture vaccinale vérifiée par un tiers (Third-Party Validation Immunization Coverage Survey, TPVICS) – une enquête nationale sur la santé des ménages mise en œuvre par Aga Khan University – ont confirmé que des progrès substantiels ont été réalisés en matière de couverture vaccinale contre les maladies évitables par la vaccination, notamment la poliomyélite, pour les enfants compris entre 0 et 23 mois pendant la durée du projet. Compte tenu des nombreux défis liés à la capacité limitée de l’espace fiscal, à l’interaction entre la politique provinciale et les complexités du processus d’élaboration du budget du secteur public, le NISP a produit des résultats et il est considéré comme l’une des réformes les plus efficaces de la Banque mondiale au Pakistan.
Au-delà du succès du NISP, des enseignements peuvent être tirés des réformes de la GFP, notamment en ce qui concerne la décentralisation fiscale, qui peuvent permettre aux gouvernements de formuler une feuille de route pour la mise en œuvre des soins de santé universels (SSU). Bien que les interventions politiques pour le PEV aient été spécifiques à la vaccination, les gestionnaires de la santé peuvent encore tirer des enseignements de l’expérience du NISP pour faire face aux défis et améliorer les stratégies dans les plans de mise en œuvre des SSU :
- Créer une appropriation provinciale
Cela a été rendu possible par la recherche d’un consensus entre les Ministères de la santé, des finances et de la planification et les bureaux des comptables généraux aux niveaux fédéral et provincial. Plusieurs sessions consultatives, une multitude de discussions, des ateliers et des séminaires ont été organisés en vue de concevoir les réformes de la GFP dans le cadre du NISP. Pour garantir une grande appropriation et rendre l’ensemble de l’exercice inclusif et participatif, des ateliers ont été organisés au niveau fédéral à Islamabad. Des participants provenant de toutes les provinces et de tous les territoires fédéraux ont participé à ces ateliers. Cette approche ascendante de la formulation des politiques a facilité la mise en œuvre et elle a permis aux parties prenantes de s’approprier les réformes.
- Créer un mécanisme d’achats mis en commun
Au 30 juin 2020, les provinces avaient versé 175 millions de dollars américains au gouvernement fédéral pour couvrir les coûts des achats de vaccins mis en communs depuis 2016 – ce qui montre qu’effectivement, les provinces se sont appropriées le PEV. Il s’agit de l’une des réformes les plus réussies dans le contexte de la dévolution, car le financement des vaccins était l’une des questions les plus délicates lors de la phase de conception du programme.
Dans ce modèle d’achats mis en commun, les provinces disposent de modalités de paiement flexibles : elles peuvent soit payer d’avance, à travers des transferts des ministères des finances provinciaux, soit choisir que le montant soit déduit de la part de la Commission nationale des finances lorsqu’elle est transférée à la province. Les provinces font également partie du comité des achats, ce qui les intègre dans le processus d’achat au niveau fédéral et élimine la nécessité d’une deuxième série d’examens une fois que les vaccins soient arrivés.
- Garantir la durabilité du financement de la vaccination
L’une des principales interventions politiques du NISP a consisté à transférer le budget du PEV du volet développement au volet récurrent – ce qui revient à confier le programme du PEV aux gouvernements provinciaux. Autrement dit, ceux-ci alloueront le budget correspondant à partir de leurs propres sources et feront du PEV une fonction régulière de leurs services de santé respectifs.
Cette transition budgétaire a été réalisée en deux phases :
- 1ère phase : les dépenses opérationnelles du PEV, y compris les salaires, ont été absorbées dans le budget récurrent/régulier et les coûts des vaccins financés par le gouvernement du Pakistan ont également été transférés au budget récurrent.
- 2ème phase : pour le moment, le Pakistan reçoit toujours le soutien de GAVI, mais au cours des prochaines années, le Pakistan devrait sortir du programme de financement de GAVI, ce qui entraînera une réduction significative au niveau des contributions des bailleurs de fonds. Cependant, comme les coûts des vaccins sont déjà transférés au budget régulier, le pays peut maintenir les gains du NISP, même après le retrait du soutien de GAVI. L’investissement du gouvernement du Pakistan – en tant que part de l’obligation de cofinancement – a augmenté d’environ 500 pour cent depuis le lancement du NISP. Ces réformes du NISP ont également été suivies par la dévolution d’autres programmes de soins préventifs, comme ceux de la tuberculose et du paludisme.
- Garantir la redevabilité dans le suivi du budget, des dépenses et des subventions en nature hors budget
Avant la décentralisation, le PEV ne disposait pas d’un poste budgétaire distinct dans le plan comptable du gouvernement ; son budget et ses dépenses étaient combinés à d’autres fonctions de la Santé. Dans le cadre du NISP, un nouveau cadre comptable a été introduit pour faire le suivi et élaborer des rapports sur le budget et les dépenses du PEV jusqu’au niveau du district. À ce jour, il existe une classification fonctionnelle distincte pour le PEV dans le plan comptable national, qui donne une vue d’ensemble du budget au niveau national.
Les subventions en nature ont constitué 75% (64 millions de dollars américains) de l’aide totale des bailleurs de fonds en 2018-2019. Un cadre comptable pour l’aide en nature a été élaboré afin d’harmoniser les efforts des partenaires de développement et d’aligner le financement sur les objectifs du PEV. La canalisation de l’aide des bailleurs de fonds à travers les systèmes nationaux de gestion financière a permis de superviser la manière dont l’argent des subventions a été utilisé et de faire le suivi des actifs immobilisés qui ont été créés ou acquis grâce à l’aide en nature. Les subventions en nature ont également été intégrées au système de gestion financière du gouvernement ; cependant, elles nécessitent des rapports réguliers des partenaires de développement au PEV et du PEV aux bureaux comptables du gouvernement.
Progression – Autres domaines de la GFP à explorer
D’autres questions relatives aux SSU qui n’ont pas été abordées par le NISP portaient sur la capacité de la GFP (en particulier dans la réalisation des travaux d’analyse et de diagnostic), le système de paiement obsolète dans les formations sanitaires et l’absence d’un système de suivi et de rapport pour les biens corporels et les équipements des formations sanitaires. Ces domaines constituent des opportunités d’intervention pour d’autres partenaires de la Banque mondiale ultérieurement.
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[1] Le GFF (Mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents) est un partenariat mondial à multiples parties prenantes hébergé par la Banque mondiale, qui soutient 36 pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure en leur apportant du financement et une assistance technique pour mettre en œuvre des plans de santé nationaux visant à améliorer l’accès des femmes, des enfants et des adolescents à des soins abordables et de qualité.